Collection privée d'un amateur de livres et autographes d'écrivains belges (XIXe-XXe siècles)
8 Août 2018
L'été apporte avec la chaleur son lot de surprises bibliophiliques et les amateurs de littérature et d'art belges qui consultent les pages de ce blog ne seront pas en reste puisque le libraire Bertrand Hugonnard-Roche, de la librairie L'amour qui bouquine, vient d'ajouter à son catalogue un lot des plus remarquables pour les collectionneurs des oeuvres de Rops !
La première pièce de l'ensemble est le livre d'Eugène Demolder intitulé Félicien Rops - Étude patronymique publié à Paris chez le libraire-éditeur René Pincebourde en 1894, dans un tirage des plus rares sur papier de Chine (ici sur le n°3/6), deuxième grand papier après deux tirages sur Whatman.
Comme le signale la notice de M. Hugonnard-Roche, la brochure de Demolder comprend "1 fascicule grand in-8 (28,5 x 20 cm), broché de 25 pages + 1 cahier en feuille sous feuillet imprimé comprenant 10 photogravures des devises (ici chacune en 3 états, soit 30 épreuves au total, tirées en sanguine, noir et bistre)."
Les devises de Rops sont :
1. Virtus Durissima coquit. Pour Charles Baudelaire.
2. Diaboli virtus in lombis. Pour Catulle Mendès.
3. Ultima quando ? Pour Barbey d'Aurevilly.
4. Vita per ignem. Pour Mme Judic.
5. Spiritus flat ubi vuit. Pour Armand Sylvestre.
6. Divere memento ! Pour Auguste Poulet-Malassis.
7. J'appelle un chat : Un chat !!
8. Dulcedo occulta.
9. Dum Spiro Spero !
10. Hors d'insulte.
Cette "brochurette [...] offerte aux collectionneurs de Félicien Rops", selon l'auteur, a vu le jour dans des conditions assez détestables de tension entre le peintre et l'éditeur comme le laisse sous-entendre l'avertissement imprimé dans le livre par Eugène Demolder à propos de la médiocre qualité des reproductions.
Outre la déception liée au travail de reproduction bâclé et à l'exagération des propos élogieux de Demolder pour son cousin dans l'étude, la correspondance de Rops nous apprend que l'artiste entretenait des relations extrêmement tendues avec l'éditeur qu'il n'hésite pas à rebaptiser de surnoms assez péjoratifs comme "pincemaille" ou "pincebougrerie", voire à insulter directement dans des lettres au ton véhément :
Vous êtes né geigneur comme d’autres sont nés violonistes. Si vous croyez perdre de l’argent, je reprends votre affaire ne vous gênez pas. Je laisserai pour vos peines le nom sur la couverture, (j’ai même quelque chose à y ajouter à votre couverture ;), vous avez élevé la geignerie à la hauteur de la mélodie. C’est un Art, – embêtant, mais : Art !
Lettre de Félicien Rops à René Pincebourde, oct. 1893
A Maurice Guillemot, Rops déclare de manière assez synthétique à propos du livre :
Ledit Pincebourde lui a fait une plaquette stupide, pleine de fautes d’impression avec des reproductions infâmes etc etc, – on va faire paraître une page « d’errata », car la lecture en est presqu’incompréhensible. – Donc je ne voulais pas v[ou]s l’envoyer ! – Demolder va publier une seconde édition de son « factum », il y tient ! Celle-ci n’a été envoyée à personne. Le Pincebourde en a placé quelques exemplaires pour son bénef. personnel, voilà tout. – J’espérais que la chose en resterait là, mais Demolder est un Flamand entêté comme le beffroi de Bruges qui s’obstine depuis trois siècles à rester à la même place, & à y jouer sur son carillon la marche de la Corporation des albalèstriers, du bon musicien Orlando de Lassus, que les Français s’obtinent eux, à nommer : Roland de Lattre. Demolder me veut Flamand, je le veux bien, tout le monde sera content, même moi : Wallon ! Il faudra bien que j’y fasse des devises « propres » pour ne pas laisser paraître des machines aussi grotesques, que les croquis qui « ornent » la brochurette ci-présente.
Enfin, l'exemplaire que Bertrand Hugonnard-Roche propose à la vente est enrichi d'un billet autographe de Rops à un "monsieur" auquel il a semble-t-il offert la brochurette, ce qui ajoute de la rareté à la rareté puisque Pincebourde n'envoya qu'un très petit nombre de plaquettes à l'auteur et à l'artiste. Dans sa correspondance, Rops évoque souvent le chiffre de ... 4 !
Pour couronner l'ensemble, Bertrand Hugonnard-Roche ajoute au livre et à la lettre :
- le catalogue des oeuvres de Félicien Rops en vente chez Pincebourde à Paris (4 pages in-8).
- 1 portrait de Félicien Rops gravé par Burney en 1887. Tirage sur vélin fin appliqué. Signature de Félicien Rops en fac-similé au bas de la gravure. Dimensions de la feuille : 28 x 18 cm environ. Dimensions du portrait : 12,5 x 8 cm environ. Très belle épreuve sans rousseur, parfaitement conservée.
- 3 héliogravures imprimées à la fin de l'année 1884 par E. Charreyre d'après une aquarelle originale de Félicien Rops pour Son Altesse la Femme d'Octave Uzanne. Le Vray Mirouër de Sorcellerie. L'amour aux champs. La femme au pantin. Du rare tirage à 100 exemplaires sur Japon. Onglet de brochage en marge gauche. Feuilles : 28,5 x 18,5 cm. Gravure : 17,5 x 12 cm. Il s'agit d'épreuves tirées sur vélin comme il se doit et recollées partiellement sur feuille de grand Japon.
Allez, à vos tirelires !
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